La Grande traversée du Massif central en Gravel, édition 2021
La GTMC, est-ce ça passe en Gravel ? Si vous fréquentez les groupes Facebook dédiés à ce vélo mi-course, mi-VTT, vous avez sans doute vu passer cette question plusieurs fois et découvert un peu perplexe les réactions contrastées qu’elle provoque. Jugée roulante par certains, trop VTT par d’autres, cette grande traversée du Massif central, créée en 1995, est un sujet inépuisable de débat chez les amateurs de graviers, d’autant plus qu’elle offre différents visages tout au long de 1400 km qui relie le Morvan à la Méditerranée. Ce témoignage ne prétend pas apporter de réponse définitive, juste éclairer par notre expérience de mai 2021 ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure.
Sur la ligne de départ :
Les cyclistes : deux trentenaires, plutôt sportifs (environ 1200 km au compteur depuis le début de l’année), pas habitués cependant à bouffer beaucoup de dénivelé (merci la région parisienne !). Pas des touristes donc, mais pas non plus des machines capables de s’enquiller 130 km et 3 000 m de D+ en une journée (pour cette version de la GTMC, lire ce récit de Rémi Lequint).
Les vélos :
Un Fuji Jari 1.5, monté en 700x42 en chambre à air.
Un Triban RC520 Gravel, monté en 650x42 (avec des roues gravel de chez Tregoride) en tubeless (sans compresseur, détail qui aura son importance), avec des WTB resolute (la version renforcée).
Matos :
Ce à quoi on a pensé : tente, duvets, réchaud, pompe, deux chambres à air de rechange par personne, kit crevaison, kit petits bobos, multitool, antivol, batterie externe, des vêtements chauds, surchaussures contre la pluie.
Ce qu’on a oublié (et qu’on a fini par acheter en route) : huile pour graisser la chaine, crème anti-frottement (c’est long, 11 jours de vélo).
Ravitaillement : Attention, à partir de Saint-Flour et jusqu’à Bagnols-les-bains, vous ne croiserez pas de distributeur, ni beaucoup d’endroits pour vous ravitailler ou pour dormir (campings, chambres d’hôte). Pensez à planifier un minimum cette partie-là du voyage. Pour ce qui est de l’eau, nous avions 1,5L sur nos vélos et nous n’avons jamais été à sec.
Guidage : le balisage est plutôt bien fait, mais a parfois tendance à disparaître et peut aussi se révéler déroutant. Partez avec le GPX de la trace sur votre téléphone (GPX Viewer fonctionne très bien), ça vous évitera quelques détours superflues.
Météo :
Nous sommes partis début mai et nous avons eu un temps mitigé : du soleil, mais aussi une bonne moitié de jours avec des averses, dont une journée dans la sauce et le brouillard complet lors de l’ascension du Mont Aigoual. La trace évolue très souvent au-dessus de 1200 m d’altitude, avec des pointes à 1500, il peut donc faire très froid, surtout si vous ne partez pas en juillet-août. J’ai passé ma pire journée de voyage après une pause déjeuner prise en altitude, juste après une ascension compliquée : transpiration + vent + température sous les 10°C = difficulté à se réchauffer, difficulté à avancer. Bref, pensez à prendre une tenue chaude.
Parcours :
La trace : de Clermont-Ferrand au cap d’Agde, sans variante.
Le rythme moyen : 70 km/jour, avec 1 300 m de D+ et grosso modo 5 à 7 heures de vélo par jour. Onze jours de selle et 810 km au final.
On peut diviser notre GTMC en trois gros morceaux :
De Clermont-Ferrand à Pont-de-Montvert (avec un détour familial qui nous a fait quitter la trace entre Allanche et Saint-Flour) : C’est clairement la partie la plus gravel du voyage. Sur cette portion, vous allez parfois devoir pousser, batailler dans une ascension un peu caillouteuse ou dans un bois un peu boueux, mais globalement vous trouverez des pistes roulantes, en terre, sable ou gravier. Je garde un souvenir ému d’un superbe col gravel juste après le hameau de Boutaresse (vers Saint-Alyre-es-Montagne) et des pistes sableuses du Mont-Lozère.
Il y a toutefois quelques passages un peu pénibles : les 5 km entre Baraque des bouviers et le Giraldès sont jonchés de racines et la partie entre Saint-Julien-de-Tournel et Bagnols-les-bains n’est vraiment pas roulante, n’hésitez pas à privilégier la route dans ce dernier cas.
De Pont-de-Montvert à La Couvertoirade : Ce n’est pas un hasard si toutes les étapes sont notées “très difficile” sur cette portion par le site officiel de la GTMC (difficile généralement pour les précédentes) : une fois dans les Cévennes, ça passe beaucoup moins bien en gravel. Vous vous retrouvez souvent sur un GR (chemin de randonnée) ou sur des chemins très (trop ?) caillouteux qui vous obligeront probablement à poser le pied à terre, parfois sur plusieurs centaines de mètres, voir kilomètres. C’est particulièrement vrai dans la deuxième ascension/descente juste après Pont-de-Montvert et parait-il lors de l’ascension et de la descente du Mont Aigoual. Mais découragés par de précédents témoignages et par l’épais brouillard ce jour-là, nous avons opté pour la route.
La trace réserve aussi quelques belles surprises gravel sur cette portion : après Florac, le single track qui longe les gorges du Tarn est superbe (sauf les deux derniers km, réputés un peu dangereux, que nous avons évité en prenant la route). Dernière précision sur cette partie: certains passages, comme la sortie du cirque de Navacelles, peuvent être compliqués si vous êtes sujets au vertige. Le chemin est à flanc de gorges à cet endroit-là, avec peu d’espace entre vous et la pente.
De La Couvertoirade au Cap d’Agde : Après une sortie du Larzac un peu pierreuse (10 km), la GTMC redevient pleinement gravel, avec en particulier une très belle descente sur une piste dans la vallée de l’Hérault. Vous allez encore pousser à quelques endroits (la fatigue commence aussi à peser après 10 jours de vélo) mais sans commune mesure avec les Cévennes. La trace rejoint la mer après avoir grapillé chaque mètre de dénivelé positif possible sur le chemin.
Pépins techniques :
Nous avions tous les deux fait réviser nos vélos, pourtant récents, avant le voyage, mais cela n’a pas suffi et nous avons dû nous réfugier chez Cantal Cycles, à Saint-Flour, l’un des rares magasins/ateliers du parcours (donc n’hésitez pas à vous y arrêter si vous avez un doute, après, il sera trop tard).
Sur le Triban : les deux montages tubeless faits à la pompe à pied n’ont pas tenu le choc, l’étanchéité a lâché au niveau des jantes (problème de positionnement du pneu plutôt que crevaison) pour les deux. Le montage fait au compresseur à Saint-Flour a lui parfaitement tenu.
Sur le Fuji : deux crevaisons des chambres les premiers jours, et surtout, deux rayons cassés juste après Saint-Alyre-ès-Montagne. La roue avait déjà eu des soucis mais avait été mal réparée dans le précédent atelier. Réparée de manière efficace chez Cantal Cycles. Les freins ont également un peu souffert et ont dû être retendus plusieurs fois.
Verdict :
Oui, la GTMC, ça passe en gravel. Mais chaussez vos plus gros pneus et ne chargez pas trop votre vélo. Attendez-vous à pousser, bouffer de la caillasse et globalement, souffrir, surtout sur la deuxième partie, cévenole, de l’itinéraire. Le déterminant principal de notre voyage n’était ni le dénivelé, ni la distance, mais la nature des chemins et la météo. On a parfois mis plus de temps en descente qu’en montée et le plat peut réserver des passages horriblement peu roulants, où vous vous retrouvez à faire 6 km en 1h30, coincé par la gadoue, les cailloux, la pluie et le vent.
Heureusement, la trace est rarement très loin d’une route et vous pouvez vous faciliter la vie en coupant certaines parties pénibles par le bitume, comme nous l’avons fait parfois pour éviter la caillasse, rejoindre un ravitaillement avant son heure de fermeture ou abréger un après-midi difficile.
Si cela ne vous fait pas peur, la contrepartie est incroyable. L’itinéraire est magnifique, vous roulerez des heures sans croiser la moindre voiture (ou même le moindre humain), à travers les plus beaux paysages du Massif central, au milieu des lacs, des montagnes et des forêts. Vous aurez peut-être la chance d’apercevoir un cerf en descendant le mont Lozère et plus sûrement des vautours et des chevaux sauvages en parcourant les causses.